Skip to main content
Le monde affronte, depuis le début de l’année, une crise sanitaire sévère provoquée par un virus nouveau, le SRAS Cov 2, aussi appelé Coronavirus ou Covid-19. À juste titre, 1,3 milliard d’Africains s’inquiètent de cette crise née en Asie, devenue rapidement européenne puis américaine, et qui est en train de devenir africaine. Trois questions taraudent les esprits, de Casablanca à Abidjan et de Dakar à Libreville : le continent parviendra-t-il à rester à l’écart de cette pandémie et quelles conséquences cela aura-t-il sur la vie quotidienne ? combien de morts au bout du tunnel ? et, sur le moyen terme, quel sera l’impact économique ?
 
Fortes de leur connaissance intime du continent, les équipes de FINACTU ont souhaité collecter et analyser les éléments de réponse à ces trois questions. Avec d’autant plus d’humilité que nous ne sommes pas au cœur de notre domaine d’expertise et que le sujet est autant nouveau pour nous qu’il l’est pour le monde entier.
 
En préalable, dans le grand flou de cette maladie nouvelle et encore peu connue, quatre certitudes semblent s’imposer, qui vont structurer la façon dont le monde va réagir : 
 • La première certitude est que le Covid-19 est et reste une maladie bénigne pour plus de 81 personnes sur 100 qui contractent le virus, dont certaines ne perçoivent aucun symptôme1 ; et pour les 19 personnes pour lesquelles le Covid-19 prend une forme grave (syndrome de détresse respiratoire aigüe), quelques jours d’assistance respiratoire permettent de guérir définitivement dans 18 cas ; en d’autres termes, seul un malade sur 100 – en moyenne – meurt de cette maladie.
 • La seconde certitude est que la disponibilité de cette assistance respiratoire est cruciale pour contenir la létalité de la maladie : pour faire simple, cette létalité sera de 1% dans les pays qui arriveront à prendre en charge en réanimation les 19% de malades qui en ont besoin, et pourra atteindre 19% dans les pays n’offrant pas de capacité en réanimation. Entre 1% et 19% de mortalité : voici tout l’enjeu de cette crise sanitaire…
 • La troisième est que cette crise sanitaire pose donc essentiellement un problème de santé publique pour les autorités de tous les pays : il s’agit d’éviter que le nombre de malades à traiter en réanimation ne dépasse, à un moment donné, les capacités de chaque pays. Problème d’autant plus difficile à résoudre (i) que le virus avance masqué, avec des porteurs asymptomatiques qui sont, à leur insu, en train de propager la maladie, (ii) qu’il y a un délai d’incubation de plusieurs jours entre le moment où l’on contracte le virus et le moment où on le sait et (iii) que les pays ont rarement la capacité de tester tous les cas potentiels.
 • Une quatrième certitude est que, à moyen et long terme, la fin de la crise passe par un vaccin ou ce que les experts appellent l’ « immunité collective », c’est-à-dire le moment où 60% de la population a contracté la maladie et développé des anticorps qui bloquent la propagation de la maladie. Autant dire que la crise est faite pour durer : le vaccin ne sera trouvé, au mieux que dans 12 à 18 mois, et il faudra environ autant de temps pour parvenir à l’immunité collective. 
 
Ces premières certitudes nouvelles nous conduisent à une conviction : le Covid-19 place tous les pays devant un dilemme, qui est de « choisir » entre la peste et le choléra, la « peste » d’une crise sanitaire effroyable ou le « choléra » d’une crise économique terrible. Les premiers, qui tarderont à prendre les mesures draconiennes de confinement, s’exposent à une mortalité élevée et donc sans doute à une crise politique à venir, quand la population réalisera que le gouvernement l’a exposée à ces décès de masse ; les seconds, qui auront agi avec énergie pour stopper la propagation du virus, auront à gérer les conséquences sociales et économiques d’un arrêt brutal de l’économie.
 
En Afrique, ce dilemme prend une tournure toute particulière, pour deux raisons :
 • La première est que la faiblesse des capacités d’accueil en réanimation et en assistance respiratoire fait que la saturation du système de santé interviendra très vite. Il est donc vital pour nos pays que les autorités réagissent très vite, en avance sur le décompte des contaminations, pour ne pas se trouver, comme le sont l’Italie et certaines régions de France, dépassées par les événements.
 • La seconde est que l’absence des filets sociaux rend difficilement supportable un confinement total et durable de la population : avec moins de 20% de la population employée dans le secteur formel, avec des systèmes de protection sociale inexistants pour le secteur informel, sans régime d’assurance chômage, avec des possibilités très restreintes de soutien de l’économie par les finances publiques, combien de temps les populations et les entreprises de nos pays tiendront-elles dans un confinement drastique ?
Les derniers chiffres – abondamment détaillés ci-après – semblent confirmer que l’Afrique maîtrise la situation dans la plupart des pays et s’oriente vers une réaction à l’européenne, avec du confinement. Pour le moment, l’Afrique choisit d’éviter la crise sanitaire. Mais il est probable - hélas ! – que ce choix soit remis en cause rapidement, quand son coût économique se manifestera. L’Afrique va devoir inventer son propre modèle de lutte contre le Covid-19. D’ores et déjà se profilent des approches légèrement différentes. Sur le plan sanitaire, faut-il se limiter à un confinement radical mais limité aux personnes les plus fragiles (personnes âgées ? comorbidités ?) ? Faut-il concentrer tous ses moyens sur la généralisation des tests (Corée du sud, Allemagne), avec une mise en quarantaine radicale des personnes positives ? Sur le plan économique, faut-il cibler les moyens financiers de l’État sur le soutien de la demande, quitte à cibler sur les ménages les plus faibles (« cash transferts ») ? Faut-il au contraire soutenir l’offre ? L’avenir dira où cet équilibre entre la peste de la crise sanitaire et le choléra de la crise économique se terminera pour le continent…

Document category

Send notification
Off